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LA PHOTOGRAPHIE OFFICIELLE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : Obligation Protocolaire ou tradition républicaine ?
A quelle date parvient la photographie officielle en mairie ?
En principe, le portrait du nouveau Président de la République est disponible à partir du 15 juin. Il est diffusé aux mairies par les services de la préfecture.
Est-il obligatoire d’accrocher le portrait du Président de la République ?
Non, un débat a eu lieu à ce sujet au mois de mai 2009 à l’Assemblée nationale. Le 14 juillet de la même année le Journal officiel a publié une réponse du Ministre de l’Intérieur, qui spécifie qu’aucun texte législatif ou réglementaire n’impose ni cet affichage ni, d’ailleurs, la présence des symboles républicains (dont le drapeau national), le buste de Marianne et la devise de la République dans les bâtiments publics.
Il est vrai que la tradition républicaine d’accrocher la photo du Président de la République est presque unanimement respectée.
A chaque élection présidentielle quelques conseils municipaux croient néanmoins bon de bouder le portrait du nouveau Président de la République pour des raisons politiciennes.
A-t-on le droit d’afficher les portraits des anciens Présidents ?
C’est assez souvent le cas dans l’escalier d’honneur. L’usage veut que l’on procède du plus ancien en bas aux plus récents en haut, la photo du Président actuel en majesté dans la salle d’honneur.
Une décision du tribunal administratif de Caen, en date du 26 octobre 2010, a ordonné le décrochage du portrait de Philippe Pétain dans toute galerie de portraits présidentiels.
Certaines communes se sont donné la liberté d’accrocher en sus les portraits de grands hommes qui n’ont pas exercé le mandat présidentiel comme Jean Jaurès.
Qui supporte les frais d’accrochage ?
Il revient à la commune de faire encadrer le nouveau portrait. L’ancien cadre convient rarement, les photos officielles n’étant pas toujours du même format.
A quand remonte la tradition ?
A la Seconde République.
Au-delà de la République, il faut aller chercher l’origine de ces portraits dans la représentation de nos monarques. Le prototype en est le portrait de Louis XIV par Rigaud. Ce tableau ne fait pas seulement figurer le monarque mais aussi les symboles du pouvoir : la main de justice (le droit de grâce), l’épée (la puissance militaire), la couronne (le pouvoir civil), le sceptre (le commandement), le manteau bleu (le pouvoir spirituel), la fleur de lys (l’emblème des Capétiens), le collier du Saint-Esprit (la protection des ordres de chevalerie), l’alliance (l’union du roi et de son royaume).
A la fin du 17ème siècle, quand la santé du Roi l’empêche de se déplacer en province, s’instaure sur tout le territoire national la vogue des places royales dont le centre est occupé par une statue équestre du monarque. Ainsi est assurée partout la présence symbolique et constante du pouvoir royal. Là est la vraie origine du portrait officiel du chef de l’Etat.
Les portraits des Présidents de la Cinquième République ont-ils marqué une évolution par rapport aux portraits antérieurs ?
Oui. A partir de 1958, le général De Gaulle étant le Président, on a f ait appel à de grands photographes portraitistes.
Le photographe choisi par De Gaulle fut Jean-Marie Marcel, compagnon de route historique des gaullistes et proche de François Mauriac. La bibliothèque de l’Elysée sert de cadre à la mise en scène qui sera adoptée, trait pour trait, par son successeur Georges Pompidou, photographié par François Pages, reporter à Paris-Match.
Valéry Giscard d’Estaing, sous l’objectif de Jacques-Henri Lartigue, alors plus connu à l’étranger qu’en France, pose devant un drapeau français en mouvement et regarde les Français droit dans les yeux, un léger sourire de connivence aux lèvres.
François Mitterrand réintègre la bibliothèque de l’Elysée dans la position assise : il prend la pose du lecteur, Montaigne entre les mains. L’artiste est l’immense portraitiste littéraire Gisèle Freund.
Jacques Chirac fait appel à Bettina Rheims dont la carrière, souvent consacrée à des nus érotiques, ne semblait guère en devoir faire une portraitiste présidentielle ! La photographie, devant le palais de l’Elysée, est effectuée en plein air et reprend, dans le lointain, le symbole du drapeau national.
La photographie officielle de Nicolas Sarkozy par Nicolas Warrin, photographe « people », longtemps lié à la Star Academy, est paradoxalement revenue au classicisme en présentant un Président debout dans la bibliothèque qui a servi de cadre aux portraits de Charles De Gaulle et de Georges Pompidou.
La symbolique a-t-elle changé depuis 1958 ?
Les deux premiers Présidents ont posé en habit, parés de la grand-croix de l’ordre de la Légion d’honneur et du collier de grand-maître de l’ordre. La République est donc symbolisée par la Légion d’honneur. Avec Valéry Giscard d’Estaing apparait le costume civil. Désormais la République est représentée par le drapeau national qui, avec Nicolas Sarkozy, est accompagné du drapeau européen.
Le cadre de la bibliothèque fait évidemment référence au patrimoine intellectuel de la nation. François Mitterrand donne vie à la culture en se saisissant d’un livre : on sait qu’il a toujours mis les « forces de l’esprit » au premier plan de sa philosophie.
Qui a photographié François Hollande ?
Raymond Depardon, qui était le candidat favori, a été choisi par le nouveau Président. Ainsi a été rendu hommage à l’un des photographes les plus sûrs de la profession.
Depardon dont le nom s’est révélé à l’opinion publique par sa couverture de l’affaire Claustre en 1975 est d’abord un maître de la lumière et de la composition. Il connaît parfaitement bien le personnel politique pour avoir suivi les campagnes de Nixon et de Giscard d’Estaing.
Quand on lui demande comment réussir la photo d’un homme politique, il conseille de fixer son attention sur un élément de décor afin de l’éloigner de la politique : le rendre humain, trouver la meilleure lumière, lui faire oublier la pression du temps. Grand reporter, Raymond Depardon est attaché à l’humain, répète à l’envi : « Ne fais pas la fine bouche.» Un enfant qui traverse une rue, un soldat qui se douche, un chauffeur de taxi qui râle en dit autant, sans doute plus, qu’un cortège officiel !
© Marie-France Lecherbonnier