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COMMENT ORGANISER UNE CEREMONIE DE JUMELAGE ?
Pourquoi ai-je choisi le thème du jumelage pour dialoguer avec vous aujourd’hui ? D'abord parce que cette conférence est prononcée sous les auspices de Cités Unies France. Ensuite parce que ce thème permet d’aborder de nombreux sujets liés au Protocole.
Vous pourrez me dire que près de 60 ans après l’invention du jumelage et après des milliers de conventions enregistrées, ces questions ne sont plus d’actualité. Ce n’est pas le cas. Grâce à la coopération décentralisée, de nouveaux acteurs, de nouveaux pays sont entrés dans le cercle de la solidarité internationale. Il est donc de plus en plus important de faire place aux exigences de l’interculturalité, de respecter l’autre dans sa différence, de renforcer et d’actualiser les savoir-faire en toutes choses.
En un mot, on ne se marie plus seulement entre soi, entre Européens de même culture. On se marie avec des Asiatiques, des Africains, des Sud-Américains. Projet exaltant pour les citoyens du monde entier. Projet qui restaure la philosophie fondatrice du jumelage.
Rappelons d’abord qu’un jumelage est le résultat d’une longue approche avec un partenaire étranger que l’on aura choisi pour toutes sortes d’affinités culturelles, économiques et sociales.
Le comité de jumelage et la mairie auront longuement mûri l’évènement en partenariat avec leurs homologues de la ville jumelée.
C’est dans cet esprit que seront organisés les moments forts de la cérémonie de jumelage.
Quatre points essentiels devront être mis à l’ordre du jour des réunions préparatoires.
LANCER LES INVITATIONS
LA SIGNATURE DU PACTE DE JUMELAGE
LES RECEPTIONS OFFICIELLES
LES OUTILS DE COMMUNICATION ET DE SUIVI
LANCER LES INVITATIONS
Les invitations officielles sont un vrai casse-tête, chacun le sait et il faut beaucoup de méthode pour résoudre les problèmes.
Il faut d’abord distinguer les invitations que l’on fait par lettre et celles que l’on fait par carton d’invitation.
De façon générale les hautes personnalités ne sont pas conviées par un carton d’invitation mais par une lettre.
En plus et en amont des lettres, il est souhaitable de rendre visite aux autorités dont on souhaite la présence, voire la présidence. Vous connaissez la mention classique « Sous le haut patronage de … » ou « Sous le parrainage de… »
Les invitations officielles sont envoyées trois semaines avant la cérémonie de jumelage, aux administrations et aux responsables des collectivités locales.
Le Préfet appelle tous les égards. En effet c’est sous ses auspices qu’ont été préparés les dossiers administratifs et financiers ayant abouti au jumelage
Une place spéciale est également à accorder aux autorités étrangères lors d’un jumelage. Donc il faut prévenir très en amont l’ambassade ou le consulat du pays de la ville jumelle pour l’inviter à participer à l’évènement. Les jumelages avec les pays francophones se multiplient. C’est un bon moyen pour y associer la communauté issue de ces pays qui vit dans votre ville.
Le plus simple pour éviter un impair est de s’appuyer sur la liste protocolaire de votre département. Elle figure en préfecture. Vous pouvez aussi vous référer à la liste des préséances que vous trouverez sur le site de Légifrance. C’est une adaptation du décret de 1989 aux réalités départementales. Ai-je besoin de vous rappeler à ce sujet que l’ordre des préséances varie en France selon les régions concernées : Paris, province, Dom-Tom et que des modifications lui sont périodiquement apportées ?
Puisque vous êtes nombreux à vous intéresser aux relations internationales, je me permets de vous rappeler que tous les Etats n’ont pas la même conception du Protocole national et que nombre d’entre eux n’ont pas de liste de préséances. Je reviens juste du Gabon où j’effectuais une formation d’agents du Protocole. Le président Bongo n’a jamais pris le risque d’édicter un protocole d’Etat par crainte d’effaroucher les corps intermédiaires et les chefferies traditionnelles. A défaut de protocole d’Etat, c’est la Constitution qui sert de référence pour les préséances. Par conséquent il n‘est pas vain d’expliquer à nos hôtes étrangers la manière dont est construit notre propre Protocole.
Venons-en aux cartons d’invitation.
Comment rédiger les cartons d’invitation ?
Pour un jumelage ou un anniversaire de jumelage doivent impérativement figurer sur le carton d’invitation :
Les armoiries des deux villes,
Les noms des personnalités ayant la préséance avec la mention « Sous le Haut patronage de… »
Les autorités invitantes (la ville jumelle et la ville d’accueil,
Le lieu et la nature de la réception,
La date et l’horaire.
La formule traditionnelle d’invitation est « serait très honoré de votre présence à… »
Enfin, n’oubliez pas que le carton d’invitation doit-être rédigé en deux langues
Ne faites jamais imprimer un carton d’invitation avant d’avoir eu le retour des personnalités y figurant. Les usages et les exceptions sont multiples. Par exemple on proclame que les rangs et les fonctions ne se délèguent pas. Or, dans la réalité, les adjoints des chefs de l’exécutif peuvent remplacer leurs Présidents dans de nombreuses circonstances.
On ne lésinera pas sur le nombre d’invitations
Les associations seront choyées. On n’hésitera pas à donner un grand nombre de cartons d’invitation aux associations représentant la communauté nationale du pays de la ville jumelle, pour qu’elles les distribuent elles-mêmes. Il en sera de même pour les associations d’habitants. Les objectifs de la coopération décentralisée peuvent rencontrer scepticisme ou opposition. D’où le soin à apporter aux relais actifs de la population.
Les milieux culturels, économiques, sociaux et sportifs font bien entendu partie des invités privilégiés.
Quant aux citoyens, ils seront prévenus par le bulletin et le site municipaux, qui présenteront un dossier de la ville jumelle et le programme des festivités.
LA SIGNATURE DU PACTE DE JUMELAGE
Voyons maintenant le moment fort du jumelage. Voici enfin arrivé le jour tant attendu. Les visiteurs de marque sont là, les délégués de la ville jumelle et la population sont rassemblés.
Où se passe la cérémonie ?
Le plus souvent, à l’hôtel de ville mais il n’est pas exclu de choisir un lieu plus vaste si le public promet d’être très nombreux. De toute façon la mairie sera pavoisée aux couleurs des deux pays. Si les communes jumelées ont des drapeaux de ville, ceux-ci seront positionnés soit dans la salle de signature, soit sur les hampes à l’extérieur de l’hôtel de ville, mais ils viendront toujours après les drapeaux des nations.
Quand programmer la cérémonie ?
N’oublions pas que c’est une fête citoyenne, qu’il faut donc choisir le meilleur moment pour tout le monde. Souvent la signature a lieu en fin d’après-midi ou le samedi pour mobiliser le plus large public possible.
Rappelons-nous qu’un jumelage est le résultat d’un long travail préalable, de multiples discussions entre les deux villes. Je l’ai déjà dit, je crois, c’est un mariage. D’où le soin à apporter à la mise en scène.
Les acteurs de la cérémonie doivent être conscients de leur responsabilité représentative. Certes un jumelage a toujours un côté populaire et bon enfant mais ce n’est pas pour autant un jour ordinaire. Le maitre de cérémonie joue un rôle décisif.
Une fois les officiels rassemblés sur une estrade pavoisée, (élus des deux communes et des autres collectivités, représentants des Etats), l’acte de jumelage est lu, dans les deux langues avant la signature officielle. N’oublions pas que cet acte a une valeur juridique, c’est une sorte de contrat dont les clauses auront dû être approfondies, notamment en vue des dotations financières visées.
Ensuite vient la phase des discours. Les discours des maires interviennent après ceux des président(e)s des comités de jumelage. En général c’est le maire invité qui parle le premier. Les allocutions des deux maires sont les plus importantes.
Pour les personnalités invitées à prendre la parole après les maires, l’ordre protocolaire habituel est suivi : la personne la plus importante conclut le discours, le préfet s’il est présent.
La signature du pacte de jumelage
A la suite des allocutions, les deux maires, pourvus de leurs insignes (chez nous l’écharpe, le bleu en haut) et assis à une même table, signent le pacte de jumelage et échangent leurs parapheurs.
Suivra la poignée de main des deux maires qui sera immortalisée par le photographe.
La tradition veut qu’on échange des cadeaux. Parmi les grands classiques : le stylo utilisé pour la signature, les clés de la ville ou des fanions. Une médaille de la ville pour les hautes personnalités étrangères présentes à la cérémonie. Rien n’interdit d’offrir des cadeaux plus personnalisés, liés par exemple à l’artisanat local. On veillera cependant à ne pas écraser son invité par un cadeau coûteux qui l’obligerait à en faire autant lors de la cérémonie de retour. N’oubliez jamais que la notion de réciprocité est la base du jumelage.
Une question fait débat et vous trouverez des avis contradictoires à son sujet : Doit-on Interpréter les hymnes nationaux ?
Aucune règle en la matière. Toutefois l’habitude s’est prise de jouer les deux hymnes nationaux. On commence alors par celui du pays invité. Attention ! si l’hymne européen est exécuté il ne peut pas suivre la Marseillaise.
La cérémonie se clôturera par un cocktail qui pourra comprendre des spécialités de la ville jumelle, surtout si elle compte des compatriotes dans sa population. Ce moment doit être festif, convivial.
LE REPAS OFFICIEL
Pour le repas officiel toute la délégation de votre ville jumelle ainsi que le représentant diplomatique de son pays est invité avec les élus de votre commune particulièrement impliqués dans ce jumelage. On veillera à ce qu’un représentant de chaque groupe politique du conseil municipal soit présent de même que les élus originaires du pays honoré.
Parmi les personnalités indispensables :
Le corps consulaire, les représentants du comité de jumelage, les cadres territoriaux de la coopération décentralisée, le préfet ou son représentant, les élus du conseil régional, du conseil général, les représentants de la chambre de commerce et d’industrie (CCI), du rectorat, des universités, des grands corps et des forces vives et des médias.
Que vous soyez une maîtresse de maison ou un chef du protocole, le plan de table est l’exercice le plus délicat que vous ayez à maîtriser. En effet vous ne pouvez pas tricher avec la réalité et vos invités voient tout de suite à quel rang ils sont classés par rapport à la présidence de table.
J’en resterai à quelques conseils utiles.
Le représentant de l’Etat, en général le préfet dans son département, a toujours la prééminence sur les autres autorités, y compris militaires.
En l’absence d’un Ministre ou du Préfet, les Sous-préfets occupe le rang du représentant de l’Etat dans le département.
Vient après le représentant de l’Etat français l’ambassadeur du pays invité.
Les autres personnalités prennent place en fonction de l’ordre tel qu’il est fixé par la liste des préséances que j’ai déjà mentionné.
Il existe des situations quasiment inextricables. Le mieux est alors d’adopter une disposition de tables propre à gommer les difficultés. C’est pourquoi je préconise souvent l’emploi de tables rondes…
Permettez-moi de souligner un détail qui n’est pas insignifiant pour un jumelage : les interprètes déjeunent à table mais ne comptent pas dans l’ordonnance protocolaire.
Le maire prononce des paroles d’accueil sur un ton convivial en évitant tout formalisme.
Il a un mot pour les convives les plus importants, il les présente à ses invités étrangers et passe ensuite la parole à son homologue. Rappelons qu’on interrompt le service pendant les allocutions. Le dernier mot est laissé au préfet s’il est présent, sinon à l’ambassadeur ou au consul de votre ville jumelle.
LES OUTILS DE COMMUNICATION ET DE SUIVI
La plupart du temps les ressortissants des villes jumelles ne parlent pas la même langue. Le premier effort doit donc porter sur l’interprétariat et la traduction. Il ne faut pas se contenter de traduire les discours des élus. A chaque rencontre avec des habitants, à chaque déjeuner il convient de faciliter la communication entre les personnes.
D’autres supports de communication sont indispensables, je vous recommande particulièrement :
Le livret protocolaire
Toujours très apprécié des officiels des deux parties, il indique dans le détail le déroulé des manifestations avec le nom exact des personnalités et des intervenants, ainsi que leurs coordonnées. L’expérience montre que chacun le garde précieusement.
Le dossier de presse
Il rassemble pour les journalistes des informations utiles sur la ville jumelle et sur les motivations du jumelage. On mettra en valeur les perspectives ouvertes par cette initiative. Ne jamais oublier qu’un jumelage non compris par la population est totalement contre-productif.
La conférence de presse
La conférence de presse clôt le voyage de la délégation étrangère et énonce les axes de coopération. La prise de parole s’effectue selon l’ordre suivant : le maire de la ville invitante, le représentant de la communauté de communes, le représentant du conseil général, le maire de la ville jumelle étrangère.
Prévoyez toujours une publication bilingue de ces discours.
Un album photographique immortalise en général les phases de la cérémonie de signature.
Un film du jumelage renforcera l’impact surtout s’il est vraiment conçu comme un film d’événementiel qui peut tourner en boucle. Les moyens techniques modernes rendent financièrement accessible ce type de support.
Le site de la ville et les réseaux sociaux permettront de relayer l’information et d’en assurer le suivi dans le temps. Ils assurent ainsi une fonction de permanence inconnue et impossible hier.
EN BREF
Un jumelage est une date importante dans la vie d’une commune.
Le choix d’un partenaire est un engagement à long terme.
C’est pourquoi il faut donner du temps au temps, multiplier les contacts préliminaires, approfondir les raisons justifiant le rapprochement.
Un jumelage s’inscrit dans le temps, et prépare l’avenir. D’où la nécessité d’y associer activement les jeunes, en particulier les scolaires.
Le respect des règles protocolaires a pour but d’éviter les heurts de susceptibilité, d’associer chacun à l’œuvre collective. Toutefois au-delà de ces règles, ce qui compte, ce qui restera dans les mémoires, c’est l’authenticité, la sincérité qui aura présidé à l’ensemble des rencontres entre les personnes.
© Marie-France Lecherbonnier